Comme l’a rappelé récemment Armand Hatchuel, grand spécialiste de l’innovation, dans Le Monde, la crise du COVID illustre la différence profonde entre l’incertain et l’inconnu.
La plupart des décisions des entreprises se font dans l’incertain. Par exemple, une direction financière estime les ventes de l’année avec des fourchettes de nombre de clients et de panier moyen, cela permet de prévoir un scénario de base de ventes ainsi que généralement un scénario optimiste et un scénario pessimiste. Cela permet aux décideurs de prendre des décisions - définir un budget d’investissement par exemple - en se basant sur ce que les statisticiens appellent un intervalle de confiance. Il correspond à ce qui est plausible d’anticiper avec une probabilité donnée - souvent de 80 à 95%. C’est ce qu’on appelle décider dans l’incertain.
Certaines entreprises avaient-elles prévu un scénario comparable à celui que nous avons vécu ces derniers mois ? La réponse est non, aucune ! Le scénario que nous venons de vivre est un scénario extrême, un cygne noir, comme l’appelle le probabiliste Nassim Nicolas Taleb. Ce scénario se situe au-delà des 95% de probabilité d’occurrence. La crise du COVID souligne le besoin pour les entreprises d’utiliser un autre cadre de décision : la décision dans l’inconnu.
Force est de constater que le COVID 19 n’est pas le seul cygne noir auquel ont été confrontées les entreprises ces dernières années. L’émergence de nouveaux entrants que les acteurs établis n’ont pas vu arriver peut s’apparenter à des cygnes noirs. On peut citer AirBnb dans l’hôtellerie, Uber dans les transports ou encore Square dans les paiements. Or quel est le point commun entre ces trois entreprises ? Elles ont toutes les trois étés fondés en 2009, à la suite de la crise économique mondiale consécutive à la crise financière de 2008 - autre cygne noir qu’aucun économiste n’avait réellement anticipé. Pourquoi la prochaine vague de disruption se prépare-t-elle pendant la crise ? Nous voyons deux raisons à cela. La première est que le moment que nous venons de vivre nous aide à raisonner dans l’inconnu car il a bouleversé nos certitudes. C’est donc un moment particulièrement fécond pour les entrepreneurs pour inventer le futur. La deuxième raison est que c’est également une bonne période pour entreprendre.
Comme l’affirmait récemment Fabrice Grinda, rien de moins que le premier business angel au monde selon Forbes, dans le podcast Génération Do It Yoursel : “C’est le moment où les entrepreneurs ont le moins à perdre car on ne leur propose plus de ponts d’or dans les grandes entreprises, de technologie notamment. Et ils ont statistiquement plus de chance d’être dans une période favorable pour lever des fonds ou vendre leur entreprise dans 3 à 5 ans”Certaines startups - comme Zoom - ont réussi à tirer leur épingle du jeu pendant le confinement. D’autres atteindront prochainement le statut de licornes et les Airbnb, Uber et Square de 2030 sont peut-être en train d’être créées. Avec, on l'espère, quelques startups françaises à l'instar d'Alan, Algolia ou Dashlane comme l'anticipent CB Insights et Fast Company. Il est aujourd’hui encore plus probable qu’hier qu’un nouvel entrant vienne bouleverser votre industrie dans les années à venir. C’est donc le moment d’explorer de nouveaux territoires. Or les outils de l’exploration (process, méthode, gouvernance) sont différents de ceux de l’exploitation.
Votre directeur innovation peut justement vous apporter ces outils de l’exploration - du design thinking au Minimum Viable Product en passant par la conception innovante ou théorie CK lorsque des décisions dans l’inconnu seront à l'ordre du jour de votre COMEX. Dans ce moment difficile, il est donc primordial de bien y réfléchir avant de couper les budgets innovation pour réduire les coûts. S’il est indispensable d’assurer la survie de l’entreprise (exploitation), il l’est également de préparer demain pour être en position de force en sortie de crise (exploration). Le directeur innovation a donc un double rôle essentiel : accompagner le COMEX pour décider dans l’inconnu et aider l’entreprise à se réinventer.
Explorer l’inconnu peut sembler vertigineux et cela nécessite de choisir une direction comme champ d'exploration prioritaire. Notre conviction est que la raison d’être de votre entreprise est une boussole dans l'exploration, bien utile pour maximiser vos chances de réussite.
Ce sera l’objet de notre prochain article...
La team Innovation : Alexandre Gaillouste // Matthias Laurent // Thomas Chappuis
Comments